Cette semaine, nous avons eu le plaisir de recevoir Alain Rolland, fondateur et CEO de Stations-e. Il nous explique le modèle et le positionnement très original de cet opérateur, fait le point sur son déploiement, ses projets et ses objectifs, et donne son avis sur l’environnement et sa confiance en l’avenir.
Le monde du transport n’a jamais été aussi incertain. L’avenir du moteur à explosion s’est brutalement assombri cette année : le prix de l’essence a flambé sous l’effet du conflit ukrainien et près de 30% des stations service sont en rupture d’approvisionnement en raison des grèves dans les raffineries françaises.
Devant l’urgence maintenant avérée du dérèglement climatique, le gouvernement somme les français de migrer vers l’électrique et promeut de nombreux dispositifs pour inciter au déploiement de bornes de recharge sur le territoire… Ces derniers mois, les annonces de levées de fonds impressionnantes se suivent sur des projets ambitieux (Electra, NWgroupe, PowerDot, etc).
Mais simultanément on parle de rationner l’alimentation des bornes de recharges en cas de pic de consommation cet hiver ! Bref, ces incohérences créent un climat anxiogène dans lequel les français sont perdus.
A la veille du Mondial de l’Auto, qui promet d’être le premier salon centré sur la mobilité décarbonée, Tesla Mag fait le point avec les principaux opérateurs de recharge.
Article et interview par Benoît Chamoux, pour Tesla Mag
Stations-e : un modèle original
Ce n’est pas seulement un opérateur de bornes de recharge publiques (donc accessible à tous) pour véhicules électriques. Chaque borne est aussi un kiosque multi-service connecté qui s’inscrit dans le tissu local et propose : des relais de télécommunications haut débit, des casiers connectés (points de livraison type Amazon ou point relais), des services d’autopartage etc.
Un positionnement original
Celui-ci est un différenciateur fort pour Stations-e, et justifie ses objectifs de déploiement dans toutes les régions : comme chaque station est conçue pour rendre plusieurs services, y compris la charge de VE, ce n’est pas uniquement sur le service de rechargement que se finance Stations-e, ce qui lui permet de viser une rentabilité même dans des zones où une borne de recharge seule ne serait pas rentable.
Après sa levée de 30 M € l’an dernier, la société a pu accélérer son déploiement et est passée en mode industriel. Son objectif est ambitieux : un maillage du territoire périurbain et rural avec 10 000 stations à terme sur tout le territoire, soit approximativement 1000 par région, pour un investissement total prévu de 240 M € dans ce réseau de stations.
Autre originalité
Stations-e investit en propre sans demander de subside aux collectivités locales ou aux propriétaires privés. Pour Alain Rolland, avec son modèle, Stations-e participe à la transition énergétique mais apporte aussi de l’attractivité économique dans les territoires avec une dimension sociale, en contribuant à la migration rapide vers l’électrique pour tous, avec des prix de recharge contenus pour les utilisateurs, et sans faire supporter de coûts pour les collectivités ou propriétaires qui hébergent ces équipements.
C’est ce qui a séduit la Banque des Territoires, qui a investi dans l’entreprise. Stations-e ne vise pas la charge de nécessité, donc n’ouvrira par exemple pas de bornes sur autoroute, mais se concentre sur la recharge du quotidien en milieu périurbain et en province.
La proposition de Stations-e
Elle est simple : « se charger sans y penser » et récupérer 150 km d’autonomie sur la durée de l’arrêt, quelque soit le véhicule. Le parti pris est donc de proposer des recharges suffisamment rapides sans jamais dépasser la puissance naturelle de charge des voitures électriques (vitesse de recharge prévue par la voiture en freinage de récupération, soit entre 50 et 60 kW env.), afin de ne pas endommager les batteries.
Conformément à son modèle, Stations-e donc est à la fois :
- un opérateur de bornes de recharge déployant son propre réseau,
- et un opérateur de service proposant à ses clients un service de recharge fonctionnant sur toutes les bornes existantes (sur l’intégralité des réseaux de recharge sur la plateforme Gireve).
Ses clients peuvent donc se recharger n’importe où une fois qu’ils ont activé leur carte Stations-e (par ailleurs gratuite !).
Les bornes du réseau Stations-e sont ouvertes à tous. On peut se charger en payant :
- soit avec la carte Stations-e,
- soit avec celle de n’importe quel autre concurrent offrant l’itinérance sur les autres réseaux français,
- soit enfin par carte bancaire, chaque borne étant dotée d’un TPE sans contact.
Enfin, une appli maison est actuellement en test, et devrait prochainement proposer des services complémentaires facilitant la vie des clients stations-e !
S’appuyant sur un modèle solide, Stations-e a peaufiné le parcours client sur la borne, ce qui semble pour le moment payant avec un très faible taux de retour vers son service clients, et est transparent sur sa tarification : 36 centimes /kWh partout (soit environ 5 € les 100 km…), avec des prix maintenus, malgré l’augmentation des coûts de l’électricité.
Déploiement du réseau
Il progresse bien, avec 120 points de charges activés à ce jour, et un objectif de 300 points actifs dès la fin d’année. Et à partir de 2023, un déploiement industriel optimisé de la conception à l’installation, pour atteindre 2000 sites par an sur les 5 prochaines années, avec une organisation régionalisée, utilisant uniquement des éléments fabriqués en France !
A titre d’exemple, l’installation complète d’un site dure au maximum 8h, une fois que le raccordement électrique d’Enedis est assuré !
Quant à l’environnement des opérateurs de recharge, hormis certains sites d’intérêt qui attirent les convoitises de nombreux opérateurs (surtout les zones commerciales), dans la grande majorité des cas, les déploiements sont complémentaires.
Sur environ 50 réseaux privés actuellement référencés en France, il y a pour l’instant assez peu de concurrence directe entre les réseaux : quelques gros acteurs se concentrent sur les autoroutes, d’autres sur les zones commerciales, d’autres sur les centre-villes, d’autres encore sur les zones péri urbaines comme Stations e.
Pour résumer : « C’est un grand désert, il y a de la place pour tout le monde, il faut juste déployer ».
Pour Alain Rolland, les opérateurs privés ont un rôle important à jouer pour répondre au besoin de recharge de la population, dans un dialogue intelligent avec les collectivités locales, et en complément des réseaux de ces dernières.
En effet, les collectivités et l’argent public ne pourront pas faire face seuls aux besoins de la population. Stations-e compte bien être un des piliers de ce futur paysage !
Enfin, concernant les perspectives de la crise énergétique cet hiver, Stations-e n’est pas inquiet sur les risques de coupures éventuelles de l’approvisionnement électrique lors de pics, car les réseaux de recharge ne représentent encore qu’une utilisation énergétique marginale en France.
Quels sont les projets de développement de Stations-e ?
Stations-e a beaucoup travaillé sur le stockage d’énergie pour les besoins des stations de recharge et s’est investie dans un projet en partenariat avec la SNCF et le groupe industriel Lohr pour de la charge de trains légers à batterie, associée à du stockage d’énergie. Ce projet est en phase de développement, mais son principe s’appliquera certainement à d’autres usages dans l’avenir.
Avec son modèle original, Stations-e confirme aussi sa vocation à se développer à l’international, notamment en Europe, mais concentre dans un premier temps son effort et son financement sur le déploiement français, puis se tournera vers l’international par partenariat avec des acteurs étrangers à qui elle fera bénéficier de son savoir faire, plutôt qu’en levant beaucoup d’argent pour atteindre seul l’international.
Merci à l’Hôtel Gabriel Paris
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