L’an passé, l’UE a investi trois fois plus que l’Empire du Milieu dans le développement des voitures électriques. C’est un record pour le vieux continent lié, entre autres, aux nouvelles normes d’émissions mises en place en Europe.
Investissements : un rapport qui s’est inversé
C’est la bataille de la décennie en matière d’automobile. Quel continent gagnera la course aux voitures électriques, puisque tous les constructeurs prévoient qu’à terme, cette énergie remplacera le moteur thermique ?
Dans cette course aux watts, la Chine semblait irrattrapable. Ses quotas rendant obligatoire la vente de 25% d’électriques, dès 2025, devraient pousser logiquement les constructeurs nationaux à investir dans ce domaine. Obligation aidant, il était donc logique qu’ils soient en avance sur l’Europe, et que les sommes investies soient largement supérieures.
C’est ce qu’il s’est produit pendant plusieurs années mais, selon l’ONG Transport & Environnement, les rapports se sont inversés. En 2019, les constructeurs, et les états européens, ont dépensé pas moins de 60 milliards dans cette nouvelle technologie, alors que la Chine n’y a consacré « que » 21,6 milliards.
Mais la Chine domine la production des batteries
Si tous les feux semblent au vert pour les voitures électriques européennes, cette accélération des investissements s’est produite fort tard, comme si les constructeurs, obligés de s’y soumettre en raison de l’échéance des nouvelles normes d’émission, n’avaient pas réellement anticipé le problème.
Autre souci : les batteries. Elles représentent la moitié du prix d’une voiture électrique et toutes celles qui équipent les voitures européennes proviennent de trois pays d’Asie : la Corée du Sud, le Japon et, bien évidemment, la Chine.
De plus, le champion mondial des batteries, le chinois CATL, va lever 9 milliards de dollars. De quoi parfaire la mainmise asiatique, notamment chinoise, sur le cœur technologique de la voiture électrique. En donnant l’absolue priorité aux voitures à batteries, l’Union européenne risque de sacrifier son industrie automobile pour le plus grand profit de Pékin.
Les cinq premiers fabricants mondiaux de batteries asiatiques, dont fait partie CATL? monopolisent plus des trois quarts de l’offre mondiale. Les rares usines existantes de batteries pour voitures en Europe sont d’ailleurs asiatiques. LG Chem et Samsung SDI sont ainsi déjà installés en Hongrie et en Pologne. L’implantation d’une future usine de batteries sur le pôle nordiste de voitures électriques Renault va d’ailleurs avoir lieu.
L’Airbus de la batterie est-il suffisant ?
Certes, les pouvoirs publics européens ont pris les choses en main pour éviter à leurs constructeurs d’être pieds et poings liés avec les industriels asiatiques en créant un consortium européen de développement et de fabrication : l’Airbus de la batterie. Lancé en 2019 par la France et l’Allemagne, il associe les pouvoirs publics et les constructeurs.
Les premières batteries européennes devraient voir le jour d’ici 4 ou 5 ans et il s’agira certainement d’éléments dits « solides », qui ne contiennent pas de lithium, disposent d’une autonomie élargie et d’un temps de chargement raccourci.
Évidemment, les Européens ne sont pas les seuls à travailler sur la batterie de demain, il s’agit donc d’une véritable course de vitesse que nous nous devons de remporter !
L’Airbus européen des batteries a déjà connu quelques défaites… En effet, c’est le Chinois Envision qui implantera une usine de batteries pour Renault à Douai, pour son allié Nissan à Sunderland. La maîtrise technologique de l’Europe est menacée par une transition énergétique dont tire profit la Chine qui renforce chaque fois leur mainmise.
Fin 2019, Bruxelles avait heureusement compris que la transition énergétique rendait « nécessaire de créer une industrie de batteries, qui représentent 40% du coût d’un véhicule électrique« , selon Yann Vincent, directeur général d’ACC. La Commission européenne a ainsi promis une aide de 3,2 milliards d’euros, Berlin devrait investir 1,25 milliard, la France, 960 millions.
La France, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, la Suède et la Pologne se sont entendues pour coordonner l’action de plusieurs dizaines d’entreprises privées et optimiser le retour sur investissement de l’argent public. Un enjeu crucial.
En Europe, l’Allemagne loin devant
Les marques européennes ne sont pas seulement concurrentes des chinoises, mais des autres européens. Dans le rapport mis en avant par Transport & Environnement, cette rivalité entre les pays est flagrante.
Loin devant tous les autres, l’Allemagne a investi 40 milliards d’euros l’an passé. La force de frappe de Daimler, BMW et Volkswagen est incomparable à celles de PSA et Renault qui, de leur côté, n’ont dépensé qu’un milliard.
Même la République tchèque est loin devant, avec des investissements équivalents à 6,6 milliards. Certes, ces sommes proviennent principalement d’Allemagne, dont les constructeurs possèdent des usines dans ce pays, mais à l’heure de la réindustrialisation française souvent évoquée, ces investissements laissent songeurs…
La voiture électrique chinoise est-elle prête à conquérir l’Europe ?
La Chine est aujourd’hui le premier marché automobile au monde, avec en 2018, 27 809 196 véhicules produits. C’est plus que les États-Unis, le Japon et l’Inde réunis, les 3 plus gros producteurs de véhicules après la Chine, où une nouvelle voiture se vend toutes les secondes.
Les constructeurs chinois ne manquent pas, ainsi SAIC Motor encore inconnu au-delà des frontières de la Chine jusqu’à très peu, s’est hissée en quelques années parmi les plus gros constructeurs au monde devant Daimler (Mercedes), BMW ou encore Geely.
En effet, une stratégie mise en avant par les constructeurs chinois dans le monde de l’automobile est de racheter des marques européennes pour percer sur un marché avec des noms de marques qui résonnent dans l’esprit des clients européens.
Ainsi, des marques telles que Lotus, Proton, MG, Volvo, LEVC (taxis londoniens) ou encore la marque de pneumatique Pirelli sont tous sous le giron d’entreprises chinoises.
Ces investissements se font avec la même ambition que sur le marché chinois, où les réglementations locales sont très sévères en matière d’introduction de véhicules électriques.
Ainsi, le gouvernement chinois a mis en place des quotas de vente de véhicules électriques qui évolueront progressivement, de 10 % en 2019 à 18 % en 2023. Cela incite les constructeurs chinois à miser grandement sur les véhicules électriques, y compris en Europe.
Contrairement aux attentes, la Chine n’attaque donc pas le marché seulement avec des offres low cost, mais se positionne aussi sur des segments prémiums.
Source : Challenges
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