Dans un contexte où la transition vers le véhicule électrique fait débat, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Yves Carra, porte-parole de Mobilité Club France. Cette association, forte de plus d’un million de membres et riche de 124 ans d’expérience dans le domaine de la mobilité, se positionne aujourd’hui comme un acteur clé dans les discussions sur l’avenir de l’automobile en France. Yves Carra partage avec nous sa vision critique de l’évolution actuelle du marché automobile, des décisions politiques qui l’influencent, et des enjeux pour les consommateurs et les constructeurs.
Interview Exclusive
Tesla Mag : Yves, pourriez-vous commencer par vous présenter et nous en dire plus sur le club que vous administrez ?
Yves Carra : Mobilité Club France est un automobile club qui a changé de nom l’année dernière. Nous comptons un peu plus d’un million de membres, ce dont nous sommes très fiers. Nous existons depuis 124 ans, ayant été fondés en 1900. Notre mission principale est de fournir des services à nos adhérents, notamment des services juridiques, et de les accompagner dans leur mobilité en leur offrant des tarifs avantageux et une large gamme de partenaires. Nous gérons également des stages de récupération de points en France, une part importante de notre activité. Nous avons une cinquantaine de salariés, des bureaux répartis sur tout le territoire, et des pistes de sécurité routière via notre entité Mobilité Club Academy, qui s’adresse principalement aux entreprises et aux professionnels pour la gestion des risques routiers. Malgré notre longue histoire, nous restons dynamiques et à l’avant-garde de l’innovation.
Tesla Mag : Quel est votre point de vue sur la transition vers le véhicule électrique, et comment votre club perçoit-il ce changement ?
Yves Carra : La transition vers le véhicule électrique est un sujet complexe. Au début du XXe siècle, il y avait plus de voitures électriques que de voitures thermiques. Ce n’est donc pas une nouveauté. Si nous sommes passés au thermique, c’était pour des raisons pratiques, notamment la facilité de transport de l’énergie. Aujourd’hui, si nous nous dirigeons vers l’électrique, c’est essentiellement en réponse à une décision de l’Union Européenne qui a décidé d’interdire la vente de moteurs thermiques à partir de 2035. À notre avis, cette interdiction est une aberration. Nous pensons que les décideurs auraient dû poser la question aux professionnels du secteur : « Comment remplacer le pétrole ? » plutôt que d’imposer une solution unique, l’électrique. Cette approche aurait permis d’explorer diverses alternatives comme l’hydrogène, les carburants de synthèse, ou encore les véhicules hybrides.
Tesla Mag : Comment analysez-vous la baisse actuelle des ventes de véhicules, en particulier électriques ?
Yves Carra : La diminution des ventes de voitures, qu’elles soient électriques ou thermiques, n’est pas une surprise. Les voitures coûtent de plus en plus cher, en grande partie à cause des investissements massifs nécessaires pour passer à l’électrique, investissements dont les constructeurs ne maîtrisent pas tous les coûts. Les marges sont plus faibles, les prix augmentent, et les acheteurs hésitent. L’électrique ne répond pas toujours aux besoins quotidiens des consommateurs, surtout s’ils ne disposent pas de solutions de recharge à domicile. Les ventes d’hybrides, par contre, montrent que c’est une alternative plus adaptée à notre réalité actuelle.
Tesla Mag : Quelles solutions proposez-vous pour une transition plus apaisée vers des mobilités plus propres ?
Yves Carra : La solution passe par une transition graduelle et bien pensée, sans marche forcée. Il faut sortir des énergies fossiles, certes, mais cela nécessite du temps. La transition doit être adaptée aux contraintes économiques, sociales, et industrielles. Par exemple, l’utilisation du super-éthanol est une piste à explorer. Au Brésil, 95 % des voitures roulent avec, pourquoi pas chez nous ? La solution ne réside pas uniquement dans l’électrique, mais dans un éventail de technologies adaptées à différents usages.
Tesla Mag : Selon vous, est-il encore possible de revoir les décisions prises à Bruxelles concernant l’interdiction des moteurs thermiques d’ici 2035 ?
Yves Carra : Je pense que oui. D’ici 2026, il y aura une révision de cette législation. Les industriels eux-mêmes s’inquiètent des investissements colossaux dans une direction unique, sans savoir si elle sera pérenne. Le cas de Volkswagen, qui a parié massivement sur l’électrique et qui se trouve aujourd’hui en difficulté, en est un bon exemple. Il est probable que cette interdiction soit repoussée, modifiée, voire annulée. L’Europe devra revoir sa copie, car cette décision, prise sans concertation, ne correspond pas à la réalité du marché ni aux besoins des consommateurs.
Tesla Mag : Un dernier mot sur l’avenir du véhicule électrique ?
Yves Carra : Le véhicule électrique a sa place, mais il ne doit pas être présenté comme la seule solution. L’avenir de la mobilité sera diversifié, avec un mix de technologies adaptées à différents usages. L’essentiel est de ne pas imposer de solutions, mais de laisser le marché et les innovations technologiques évoluer naturellement en réponse aux besoins réels des consommateurs.