La montée en puissance de l’industrie automobile chinoise n’est pas le fruit du hasard. Ce processus méthodique, décrit dans l’étude « Industrie automobile en Chine – Anatomie d’une montée en puissance » de l’économiste Anthony Morlet-Lavidalie, met en lumière comment la Chine a su exploiter la percée écologique pour dominer le marché mondial des voitures électriques.
Les origines de la stratégie chinoise
Il y a environ vingt-cinq ans, la Chine a identifié l’intérêt croissant des Occidentaux pour l’écologie et s’est positionnée en conséquence. En concentrant ses efforts sur le développement de voitures électriques, le pays s’est fixé un objectif clair : supplanter les constructeurs automobiles traditionnels et devenir le premier producteur mondial.
Pour y parvenir, la Chine a déployé une panoplie de mesures : subventions étatiques, crédits à taux zéro, fiscalité réduite, et investissements publics massifs. De plus, le gouvernement chinois a massivement investi dans la Recherche et Développement (R&D) et a électrifié les flottes de véhicules gouvernementaux.
La chaîne de production intégrée
Un autre élément crucial de la stratégie chinoise est le contrôle sur toute la chaîne de production des véhicules électriques, depuis les matières premières jusqu’à la fabrication des batteries. Grâce à cette maitrise intégrale, la Chine peut réduire les coûts et rivaliser de manière agressive avec les autres constructeurs.
Le contrôle de l’État est omniprésent dans cette approche, ce qui contraste avec l’essor capitaliste de type occidental. La planification centralisée, caractéristique des régimes autoritaires, permet au gouvernement chinois de fixer des objectifs précis et de mobiliser les ressources nécessaires, atteignant jusqu’à 5% du PIB contre moins de 1% dans les démocraties occidentales.
Impact sur les constructeurs occidentaux
Les résultats parlent d’eux-mêmes : en 2000, la Chine produisait 2 millions de véhicules par an. En 2022, ce chiffre a grimpé à 27 millions. Ce bond spectaculaire a permis à la Chine de passer de 3,5% à 32% de la production mondiale en deux décennies.
Cela a des répercussions majeures sur les constructeurs occidentaux tels que BMW, Mercedes, Toyota ou Volkswagen, qui ont longtemps dominé grâce aux moteurs thermiques. Leur domination est désormais remise en question par la pression des constructeurs chinois et leur offre de voitures électriques à bas coûts.
La menace pour Tesla et autres constructeurs
Les constructeurs occidentaux ne sont pas les seuls affectés. Tesla, considéré comme un pionnier du véhicule électrique, éprouve également des difficultés. En 2023, le constructeur chinois BYD a vendu plus de voitures électriques que Tesla, un signe clair de la montée en puissance des marques chinoises.
Trois facteurs principaux expliquent cette situation :
- Demande en baisse : La demande pour les voitures électriques en Europe est en déclin, accentuée par la fin des subventions pour l’achat de véhicules électriques dans certains pays comme l’Allemagne.
- Concurrence accrue : La prolifération de nouveaux modèles de véhicules électriques intensifie la concurrence, conduisant à une baisse des prix et des marges de profit.
- Baisse des prix : Pour conserver ses parts de marché, Tesla a dû réduire ses prix, ce qui a affecté ses marges bénéficiaires.
Réactions des géants de la location automobile
Ce bouleversement n’a pas épargné les entreprises de location de voitures. Hertz a récemment annoncé vouloir se débarrasser de 20 000 Tesla, en partie en raison des coûts de réparation élevés et de la baisse de la demande pour les voitures électriques.
En octobre 2021, Hertz prévoyait d’électrifier 25% de sa flotte, mais la réalité économique l’a rattrapé, démontrant les challenges persistants pour l’adoption massive des véhicules électriques.
Conclusion: Réalisme ou insouciance?
La domination chinoise sur le marché des voitures électriques est une réalité incontournable. Bien que certains acteurs occidentaux minimisent cette menace, la montée en puissance de BYD et d’autres constructeurs chinois envoie un signal d’alarme fort.
Il est essentiel pour l’industrie automobile occidentale de prendre conscience de cette concurrence et d’adapter leurs stratégies pour ne pas se laisser supplanter.