L’électrification du parc automobile est au cœur des politiques environnementales actuelles. Cependant, pour des acteurs majeurs comme Europcar, cette transition présente des défis spécifiques. Jehan de Thé, Directeur des Affaires Publiques du groupe, partage son analyse sur les obstacles rencontrés et les solutions envisagées.
Une demande encore limitée pour les véhicules électriques
En France, la part des véhicules électriques représente environ 3 % du marché total. Cette proportion se reflète dans la demande auprès des loueurs de courte durée.
Les défis de l’électrification dans le secteur de la location de voitures : perspectives de Jehan de Thé, Directeur des Affaires Publiques chez Europcar Mobility group
L’électrification des véhicules est une étape cruciale dans la réduction des émissions de carbone, mais pour des groupes de location de véhicules courte durée comme Europcar, cette transition soulève des enjeux complexes. Jehan de Thé, Directeur des Affaires Publiques du groupe, nous éclaire sur les défis auxquels Europcar est confronté pour intégrer davantage de véhicules électriques dans sa flotte.
Une faible demande pour les véhicules électriques en France
Aujourd’hui, la pénétration des véhicules électriques en France reste faible, environ 3 % du marché total, ce qui limite la demande pour les véhicules électriques de location. « Cette clientèle représente à peine 3 % du potentiel, » explique Jehan de Thé. « Et parmi cette fraction, une part significative est constituée de clients étrangers, qui sont souvent encore moins enclins à opter pour un véhicule électrique, en raison des barrières linguistiques et de la complexité à télécharger une application de réseaux de recharge qui n’est pas dans votre langue maternelle »
Les infrastructures de recharge, un obstacle majeur
L’un des principaux défis pour la transition électrique dans la location de véhicules est le manque d’infrastructures adaptées. Dans les aéroports ou les gares, qui représentent près de 50 % de l’activité d’Europcar, les bornes de recharge sont insuffisantes pour couvrir les besoins de la flotte. « Comment pouvons -nous charger 500 véhicules électriques en une journée à l’aéroport de Nice ou à Lyon sans infrastructure adaptée ou même la capacité électrique disponible ? » questionne-t-il.
Les infrastructures existantes sont souvent mal réparties et difficilement accessibles. « Lorsqu’un client arrive dans un pays où il ne parle pas la langue, et qu’il doit télécharger une application de recharge locale, il perd confiance », précise Jehan de Thé, soulignant que même un utilisateur quotidien de véhicule électrique pourrait hésiter à choisir une telle option lors de déplacements dans une région ou un pays inconnu.
Une adaptation lente de l’offre aux réalités locales
Les véhicules électriques nécessitent un changement de comportement et un usage “planifié”qui ne correspondent pas toujours à la réalité des clients de location, dont les besoins sont souvent ponctuels et immédiats. « Nos clients sont majoritairement des voyageurs pressés. Les commerciaux, par exemple, ne veulent pas perdre de précieuses minutes pour recharger leur véhicule durant la journée », observe-t-il.
Les habitudes des utilisateurs de véhicules de location diffèrent de celles des propriétaires de véhicules électriques, ce qui complexifie encore la transition. Les clients étrangers, ou ceux effectuant des trajets loin de leur domicile sont moins enclins à opter pour un véhicule électrique nécessitant des ajustements logistiques supplémentaires.
La dynamique du marché : un modèle tourné vers la demande
Europcar adopte une approche pragmatique et réactive à la demande, plutôt qu’une position militante. « Nous restons agnostiques sur le choix de motorisation tant que celui-ci est un progrès en termes d’efficience » indique Jehan de Thé. « Nous sommes là pour répondre aux besoins des clients , nous pouvons les influencer, mais pas les forcer ! » le pire pour un loueur est de se retrouver avec une flotte non utilisée et c’est malheureusement partiellement le cas avec les véhicules électriques.
L’impact des régulations et des infrastructures futures
Europcar soutient l’objectif de décarbonisation mais insiste sur la nécessité de régulations adaptées aux réalités du terrain. « En Angleterre, les mandats de vente de véhicules électriques sont imposés aux constructeurs, pas aux opérateurs de flottes », observe-t-il. Une telle approche permettrait aux entreprises de location de s’aligner progressivement sans subir les contraintes directes de quotas rigides qui auraient probablement un effet contre productif..
La législation européenne visant à rendre les bornes accessibles par carte bancaire représente un pas en avant pour simplifier la recharge, mais d’autres efforts sont nécessaires. Par ailleurs, Jehan de Thé souligne que dans de nombreux sites stratégiques, comme les aéroports, la capacité électrique actuelle est insuffisante pour répondre aux besoins des parcs de location de véhicules.
La nécessité d’une approche collaborative
Europcar et d’autres acteurs de la mobilité partagent une vision commune de la transition énergétique, mais ils soulignent le besoin de partenariats et d’investissements publics pour répondre aux défis structurels de cette transition. « Il est crucial que le secteur public facilite l’accès aux infrastructures de recharge dans les lieux stratégiques, » affirme Jehan de Thé, ajoutant que les investissements nécessaires en gare ou aéroport ne peuvent pas reposer exclusivement sur les loueurs, dont l’activité est souvent encadrée pour ces parkings de contrats de concession ou d’utilisation de courte durée avec des emplacements temporaires.
Vers une approche plus durable : location, autopartage et leasing
L’entreprise travaille également sur la diversification de ses services, en intégrant l’autopartage, Europcar participe du mouvement de la possession vers l’usage, et par ailleurs en conservant les véhicules de location sur de courtes périodes, Europcar alimente le marché de l’occasion avec des véhicules récents et moins polluants. L’entreprise considère que la transition vers une économie de l’usage est essentielle pour réduire l’impact environnemental global de l’automobile. En interne et pour ses employés Europcar est très engagé avec une flotte de véhicules de fonction presque exclusivement électrifiée. Par ailleurs, Europcar à travers Mobilians porte aussi un certain nombre de mesures visant à favoriser la demande, étape nécessaire avant toute réglementation contraignante.
Conclusion
La transition vers une flotte électrique représente une ambition stratégique pour Europcar, mais elle ne peut être réalisée sans une infrastructure adéquate et des réglementations adaptées. Jehan de Thé appelle à une approche réaliste et collaborative pour soutenir les acteurs de la mobilité partagée dans leur engagement pour la décarbonisation. Pour lui, l’adoption massive des véhicules électriques dépendra de la capacité des infrastructures à répondre aux besoins des utilisateurs, tout en facilitant l’expérience client.