Un édifiant compte rendu a été publié sur le net. Il met en scène l’équipe Tesla et de grands investisseurs pour une série de questions-réponses, le 5 août 2015 pour la publication des résultats de tesla Motors.
Le compte rendu de cette rencontre est intégralement public, et visible ici.
Cette conférence, et télé-conférence, est plutôt intéressante. Nous avons, d’un côté, des investisseurs qui cherchent à connaître ou à verrouiller des chiffres de production annoncés par Tesla. Bref, ils veulent quantifier leur retour sur investissement. Ce qui est plutôt amusant, c’est qu’ils se heurtent à une forme de nouvelle approche, presque désinvolte, du business de l’automobile.
Les questions des banquiers sont précises. Elles portent majoritairement sur le nombre de Model S en production en 2016, le nombre de Model X, quelle sera la part de production de l’une par rapport à l’autre.
Le marché de l’occasion et sa mise en place au sein des concessions Tesla intrigue aussi.
D’autres questions concernent les prévisions de vente du Powerwall et du Powerpack, voire débattent même de leurs utilités !
Et enfin, des interrogations fusent sur les tenants et les aboutissants de l’auto-pilot, dont tout le monde attend beaucoup, et on se souvient, au passage, de l’annonce fracassante d’Uber qui annonçait « vouloir acheter toutes les voitures autonomes que Tesla introduirait sur le marché »
Il se trouve que Tesla annonce, au début de ce mois d’août, qu’il vont avoir recours à une hausse de capital pour pouvoir faire face à tous leurs nouveaux investissements : la finalisation de leur Tesla Gigafactory, la création et la gestion de leurs nouveaux points de vente autour du monde, le lancement de la production du Model X et la préparation du Model 3 leur impose d’avoir de la trésorerie pour que tous ces grands projets puissent se dérouler en souplesse.
Il est aussi question de Cash Flow, pratique de plus en plus répandue dans le monde de l’industrie, qui consiste à éponger les déficits d’une unité d’un groupe avec les réserves de cash d’une autre, ce qui évite de payer des agios aux créanciers. Et il est tout de même question, ici, d’une somme qui se chiffrerait à 750 millions de dollars, peut-être même un milliard de dollars.
Je vous avoue que je sirote les réponses d’Elon Musk, qui reste très poli, très respectueux, mais qui se permet même, face à une question sur l’utilité des batteries domestiques, d’en remettre une couche sur le gain énergétique et écologique du Powerwall qui serait installé partout à l’échelle mondiale, glissant, au passage, que Tesla a comptabilisé pour …Un milliard de dollars (!) de pré-commandes de Powerwall, dont il ne sait pas, d’ailleurs, si elles seront toutes définitives. En tout cas, la totalité de la capacité de production estimée du Powerwall a été pré-reservée pour l’année 2016. Sold Out.
De même, on essaie de lui demander combien de Model S et de Model X verront-elles le jour par semaine ? 1600 ? 1800 ? 2000 ? Et en proportion ? 60% de S et 40% de X ? Ou 50/50 ? Elon Musk répond que Tesla calibre ses robots actuellement pour POUVOIR atteindre 2000 véhicules par semaine. Par contre, il ne précise rien sur la proportion de la S par rapport à la X : « il faudrait que la X soit réellement lancée pour le calculer »… Et surtout : Elon Musk et son équipe ajoutent que le but premier est l’excellence, la qualité. Tesla veut durer. Et s’il faut, pour cela, tomber un ou deux robots pour le reprogrammer, l’affiner, ils le feront, même si la cadence doit en pâtir et temporairement ne tourner qu’à 1600 véhicules semaine.
L’auto-pilot, option superbement gérée par la Tesla Model S, fait aussi réfléchir. Quand-est ce que l’on pourra lâcher le volant ? En fait, il est bien possible que les investisseurs souhaitent savoir qui sera le premier à commercialiser un véhicule autonome. Google ? Apple ? Tesla ? Avec, en toile de fond, la généreuse offre d’Uber, qui est rappelée à Elon Musk à cette occasion. Mais Il refuse de répondre, considérant sûrement que cette question est bien trop précoce, et peut être même invasive.
En tout cas : Elon Musk annonce qu’une future mise à jour logicielle permettra de lâcher le volant et de surveiller la conduite, comme un pilote qui enclenche le pilotage automatique de son avion de ligne.
Enfin, le marché de l’occasion, du haut de ses trois mois d’existence, soulève aussi des interrogations. De nombreux acheteurs se pressent déjà au portillon, et Tesla peine, actuellement, à répondre à toutes les demandes. L’équipe Tesla précise que les Model S sont reprises, pour l’instant, en échange de vente de nouvelles Model S. Mais pareil, Tesla ne peut pas répondre précisément à une question sur une marché aussi jeune.
Bref, dans cet échange, on voit deux mondes s’affronter : celui de l’argent, du retour à court terme sur investissement, de la bourse, et celui d’Elon Musk, qui lui, est fait de génie, de passion, de perfection et de « ses rêves d’enfants devenus réalité » comme il l’avait déjà expliqué. Si les deux parties représentées, ici, ont l’une besoin de l’autre, et restent donc très correctes, les distorsions qui naissent de ces échanges sont une preuve que Tesla n’est pas un constructeur de voitures comme les autres : déjà, c’est le seul à avoir fait le parié d’une production 100% électrique. Après tout, la commercialisation à l’échelle mondiale d’un véhicule électrique premium, c’est nouveau. Nous devons donc attendre que le comportement d’une telle firme le soit aussi !
De plus, Tesla est seul en course, pour le moment, même si sont évoquées, lors de cet échange, différents projets concurrents de véhicules électriques. Tesla ne peut que gagner. Et beaucoup l’ont bien compris.
D’expérience, nous savons que dans notre monde, ceux qui marquent l’histoire ne sont pas ceux qui se sont enrichis le plus rapidement ; ce sont, au contraire, ceux qui ont su prendre soin de leurs employés, de leurs clients…